Un titre un rien provocateur pour cet ouvrage très bien documenté qui ressence toutes les croyances et contre-vérités des plus riches au sujet des plus pauvres, mais aussi de penseurs et autres intellectuels au fil des siècles.
Il s'agit d'un ouvrage posthume, terminé par deux des proches de l'économiste Michel Husson, deux ans après son décès.
Le livre poursuit trois objectifs : mettre au jour le fait que les théories économiques dominantes rendent les chômeurs et les pauvres responsables de leur sort et donc « dédouanent le mode d’organisation sociale » (p. 23) ; montrer « la permanence des constructions idéologiques et leur résurgence périodique, que l’on pourrait presque qualifier de cyclique » (p. 24) ; établir le lien entre cette « économie politique lugubre » (p. 255) et le darwinisme social qui a épousé les thèses de l’eugénisme.
Le lecteur se retrouve plongé dans la littérature remontant jusqu'au 18ème siècle et réalise comment les arguments encore avancés aujourd'hui, sont finalement cycliques et réapparaissent à chaque crispation de l'Histoire. Entre les théories d'un Jérémy Bentham en 1834 pour qui aider les pauvres conduite à les abandonner à leur oisiveté, ou encore les troublants échanges de Charles Darwin avec son cousin Francis Galton, père de l'eugénisme, et bien d'autres penseurs aux idées toxiques, voire ouvertement racistes.
Théories totalement fantasques, aussi néfastes que grossières direz-vous ?
Hélas, elles influencent encore aujourd'hui nombre de représentations sociétales mais aussi de politiques actuelles de l'emploi, des territoires, de la santé ou de l'économie en général.
La lecture de ce livre ne nous donne pas forcément le moral (on s'en veut un peu de vous le conseiller en plein été) mais il est nécessaire si l'on veut comprendre les fondements irrationnels et mensongers de commentaires et initiatives actuelles bien mal inspirées.
Portrait du pauvre en habit de vaurien - MICHEL HUSSON - editions Page deux et syllapse - 2023.