"Désincarcérer le futur" par cette "fonction fabulatrice" dont parle le philosophe Henri Bergson, repenser le présent et imaginer le futur : c'est tout le sujet de cet exceptionnel hors-série du magazine Socialter. Avec Alain Damasio, que l’on ne présente plus, comme rédacteur en chef, et la participation d’une multitude d’auteurs, philosophes ou chercheurs Français et étrangers, ce numéro redéfinit, redécouvre et retrace l’histoire du “vivant” dont parle Baptiste Morizot.
Scindé en trois parties, le lecteur est d'abord entrainé dans les imaginaires qui constituent notre présent, et la place qu’entretiennent ces derniers dans l’esprit des Hommes. Socialter laisse la voix à des penseurs de notre siècle et ceux qui le précédent, et démontre combien la science fiction détient une place primordiale dans la création du réel. À travers des articles aux sujets d’une grande diversité, “la fabrique des imaginaires” présente les contours des imaginaires qui nous constituent, que ce soit par le biais de mythes, de romans de science fiction, d’essais ou de comics. L’humain est finalement un "homo narrativus", qui, par le biais de cette "reine des facultés", pense le monde d’hier, d'aujourd'hui et de demain.
Mais, si cette réflexion autour de l'avenir est si déterminée par les imaginaires des Hommes, elle n'en reste pas moins ambivalente. Ces "imaginaires en lutte" constituent le coeur de la deuxième partie du hors-série. Ainsi, nous voyons combien chacun perçoit le réel à sa manière: un réel formé et représenté à travers cette “fonction fabulatrice”. Les auteurs discutent des notions qui encerclent notre quotidien et les systèmes universels dans lesquels nous vivons. Des thèmes complexes à traiter, et surtout peu remis en cause. Il est question ici de penser le progrès, la conquête spatiale, le temps, le travail, l’Intelligence artificielle ou encore la place de l’État dans nos sociétés. Des propos qui nous poussent à nous pencher sur cet infra-ordinaire (tout qui nous entoure mais qu'on ne voit plus vraiment) qu’il faut recommencer à penser, surtout en ces temps de "pré effondrement”, qui suscite peur et angoisse chez nombre de personnes.
L' "Effondrement des imaginaires”, dernière partie de ce hors-série, sonne comme un appel à l'action par l’imagination. Effondrement, apocalypse ou fin du monde, cette chose imminente ou immanente dont parle Engélibert semble être bien présente dans l’esprit des Hommes. La conscientisation que la planète arrive peu à peu, et de plus en plus vite, à une pénurie de ressources, tout en étant en plein galop vers une croissance infinie, tend à faire réagir les populations que nous constituons. Si certaines dystopies racontent un monde que personne ne souhaite, elles permettent finalement de ne pas se laisser paralyser par la peur de l’inconnu et pourraient même engendrer une utopie. Alors, l'imaginaire se fait arme contre l’inaction et l’attente passive d’un monde post effondrement.
L'imagination, loin d'être futile, est sans doute la clé de voute du changement et de l’action.
SOCIALTER - Le réveil des imaginaires - Hors série - mai 2020